Les dangers et risques des pesticides chlorpyrifos et chlorpyrifos-méthyl : évaluation par l'Agence Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) et conséquences pour leur utilisation future dans l'UE

Que sont le chlorpyrifos et le chlorpyrifos-méthyl ?

Le chlorpyrifos (parfois appelé chlorpyrifos-éthyle) et le chlorpyrifos-méthyle sont des pesticides utilisés pour tuer les insectes et les acariens. Ils sont parmi les plus couramment utilisés en Europe sur une gamme de cultures. Leurs résidus sont souvent présents dans les fruits, les légumes, les céréales et les produits laitiers, ainsi que dans l'eau potable.

Dans l'Union européenne, selon le règlement REACH¹ sur la classification et l'étiquetage harmonisés des produits chimiques de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), le chlorpyriphos est classé comme «très toxique pour la vie aquatique avec des effets durables et peut provoquer une réaction allergique cutanée». À la mi-2019, huit pays avaient déjà interdit l'utilisation des produits à des fins agricoles. Parce que leur agrément pour le marché européen expire en janvier 2020, ils ont été réévalués en termes de sécurité.

Dans ce contexte, la Commission européenne a demandé aux experts de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) de fournir des avis sur les évaluations à jour des risques du chlorpyrifos et du chlorpyrifos-méthyl.

L'EFSA a conclu qu'il existait des préoccupations liées à la santé humaine, en particulier en ce qui concerne une éventuelle génotoxicité et neurotoxicité pour le développement et que les critères de renouvellement n'étaient pas remplis. En conséquence, la Commission européenne a décidé de ne pas renouveler l'autorisation pour le chlorpyrifos et le chlorpyrifos-méthyl.

¹ www.echa.europa.eu/information-on-chemicals 

Quelle a été l'approche utilisée pour effectuer l'évaluation des dangers et des risques du chlorpyrifos-méthyle ?

Initialement, l'approche adoptée par les experts pour l'évaluation des dangers du chlorpyrifos-méthyle était largement basée sur sa similitude structurelle avec le chlorpyrifos, même si certaines différences ont des conséquences inégales conduisant à des variations qui pourraient contribuer aux différences de toxicité des deux composés.

Le chlorpyrifos ‐ méthyl a une toxicité aiguë plus élevée que le chlorpyrifos, mais les deux ont le même niveau de toxicité après une exposition à long terme.

En ce qui concerne les deux impuretés toxicologiquement pertinentes qui sont présentes dans les spécifications techniques, il n'est pas prévu qu'elles aient le potentiel d'ajouter un danger supplémentaire à celui des composés d'origine. Les niveaux maximaux de ces impuretés dans les nouvelles spécifications techniques proposées sont en accord avec ces exigences.

Quelles ont été les principales conclusions des experts de l'EFSA sur l'évaluation de la sécurité du chlorpyrifos-méthyl ?

Les principales conclusions des experts de l'EFSA étaient les suivantes:

• Pour la génotoxicité: bien que les données disponibles ne montrent aucune inquiétude, les experts ont souligné que les données étaient très limitées et que le potentiel génotoxique du chlorpyrifos et du chorpyrifos ‐ méthyl reste donc peu clair. Pendant ce temps, aucune preuve d'un potentiel cancérigène n'a été trouvée lors de l'administration de chlorpyrifos-méthyl chez le rat ou la souris. 
• Pour la neurotoxicité au cours du développement embryonnaire, certains effets ont été observés à de faibles doses de chlorpyrifos, indiquant un problème sanitaire. Le chlorpyrifos peut principalement avoir un effet sur le système nerveux en interférant avec la cholinestérase, une enzyme impliquée dans le métabolisme de la choline, un neurotransmetteur important. Dans une approche conservatrice, la même conclusion a été appliquée au chlorpyrifos-méthyl. Le chlorpyrifos-méthyle n'a par ailleurs pas affecté les performances de reproduction jusqu'à la dose la plus élevée testée dans une étude de toxicité sur la reproduction sur deux générations chez le rat. 
• Concernant le potentiel immunotoxique du chlorpyrifos-méthyl, une lacune a été identifiée car aucune information n'a été fournie. 

Sur la base de ce qui précède, il a été considéré que les critères d'approbation du chlorpyrifos-méthyle applicables à la santé humaine n'étaient pas remplis et que cette question représentait un sujet de préoccupation critique.

Quels sont les effets du chlorpyrifos-méthyle observés sur la santé humaine ?

Les données épidémiologiques fondées sur les données disponibles confirment la préoccupation neurologique développementale chez les enfants pour le chlorpyrifos et le chlorpyrifos méthyle. Même si l'EFSA émet des réserves sur cette approche, sur la base de l'ensemble des données toxicologiques disponibles, les experts ont estimé que le chlorpyrifos ‐ méthyle devrait répondre aux critères de classification conformément aux critères définis par le règlement (CE) no 1272/2008 comme « Toxique pour la reproduction » et « Peut endommager l'enfant à naître ». Les experts ont ainsi proposé de classer le chlorpyrifos-méthyl comme «Toxique pour la reproduction»² . L'Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) se prononcera in fine sur cette question.

² REPRO 1B, H360D ‘May damage the unborn child’ in accordance with the criteria set out in Regulation (EC) No 1272/2008

Y a-t-il un risque important pour la santé résultant de l'exposition à la pulvérisation du chlorpyrifos et qu'en est-il de la présence de résidus de chlorpyrifos dans certains fruits ?

La Direction de l'évaluation de la santé humaine du Department of Pesticide Regulation (California Environmental Protection Agency ou EPA) a effectué une évaluation très détaillée évaluant intégrant les risques alimentaires et ceux dérivant de l'exposition au chlorpyrifos provenant de sa pulvérisation aérienne et terrestres aux États-Unis.

Lorsque le chlorpyrifos est absorbé par la respiration ou sur la peau suite à des expositions près d’un site de pulvérisation ou par ingestion avec de la nourriture, aucun risque n'a été identifié pour des enfants et des femmes en âge de procréer.

Un risque agrégé a été calculé en additionnant toutes les expositions possibles au chlorpyrifos : aliments, eau potable, contact de l'air et de la peau avec les résidus dépôts et aérosols associés à la dérive de la pulvérisation, ingestion accidentelle de sol, ingestion de résidus par le bouche à oreille, main-à-bouche. Les résultats de l'évaluation de l'EPA californienne ont révélé que le rapport entre le niveau sans effet observé et l'exposition estimée était inférieure à l'objectif d’une marge de sécurité de 100, ce qui suggère un risque potentiel. Il existe également des études qui suggèrent que des doses plus faibles que celles provoquant l'inhibition de la cholinestérase (AchE) peuvent également avoir des effets neurotoxiques, suggérant également un risque potentiel.

En ce qui concerne par ailleurs les résidus résultant des utilisations existantes et prévues, en particulier pour la production de kaki / kakis japonais et de pommes granates / grenades, l'agence européenne EFSA conclut qu’il est peu probable que l'apport à long terme et à court terme de résidus de chlorpyrifos ‐ méthyle et de son métabolite, le 3,5, 6-trichloropyridinol, présente un risque pour la santé des consommateurs.

Références:
Statement on the available outcomes of the human health assessment in the context of the pesticides peer review of the active substance chlorpyrifos-methyl – updated statement November 2019. European Food Safety Authority ()EFSA) https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2019.5908
Modification of the existing maximum residue levels for chlorpyrifos‐methyl in kaki/Japanese persimmon and granate apple/pomegranate European Food Safety Authority (EFSA) https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2017.4838
Final Evaluation of Chlorpyrifos as a Toxic Air Contaminant. Human Health Assessment Branch of the Department of Pesticide Regulation (California Environmental Protection Agency) 2018  www.cdpr.ca.gov/docs/whs/pdf/chlorpyrifos_final_tac.pdf